Comme une pierre au milieu du torrent

L'édition 2011 du Festival d'Aix propose cinq opéras qui offrent une extrême variété de styles musicaux, de vocalités, de couleurs orchestrales, de situations dramatiques. Si La Clemenza di Tito est par excellence un opéra classique, nourri de la double tradition de l' opera seria et des Lumières, La Traviata explore avec un réalisme inédit – qui explique le scandale de la première – la vie tragique d'une demi-mondaine aux franges de la bonne société. Le caractère élégiaque de la pastorale règne sur Acis and Galatea , à mille lieues de l'ironie mordante dont font preuve Gogol et Chostakovitch dans Le Nez . Les personnages étranges et insaisissables de Joël Pommerat trouvent pour la première fois une expression chantée dans la partition d'Oscar Bianchi.

Jérôme Combier et Pierre Nouvel sont partis quant à eux sur les traces du dénommé Austerlitz, en suivant les pistes et filmant les indices disséminés par W.G. Sebald dans le roman du même nom. Si leur création n'est pas un opéra au sens propre, c'est un spectacle musical et visuel bien caractéristique des recherches de notre temps.

La plupart de ces œuvres font émerger, au-delà de leurs différences, la figure d'un être en marge de la société, en opposition avec son entourage, ou en résistance intérieure. C'est cette dernière qualité que nous retrouvons chez Chostakovitch, compositeur qui fut à la fois fêté et traqué par le régime soviétique. La distance dans le temps nous permet de mieux apprécier la liberté et l'audace dont a su faire preuve l'artiste face à la censure et à la menace. Son oeuvre sera au centre des concerts du Festival et de l'Académie, et rayonnera en direction de Bach, Mozart, Beethoven, Mahler, auprès desquels il a trouvé une inspiration fertile.

Pour sa deuxième année de résidence, le London Symphony Orchestra ne donnera pas moins de seize représentations d'opéra et deux concerts symphoniques sous la direction de Sir Colin Davis et Valery Gergiev. Musique de chambre, récitals de grands solistes et dialogue entre musiques traditionnelles et contemporaines complètent une des plus riches programmations de concert jamais proposées par le Festival d'Aix.

En collaboration avec LSO Discovery, le Festival multiplie les projets créatifs : outre l'Orchestre des Jeunes que dirigera cette année François-Xavier Roth, l'orchestre junior se produira le 8 mai au Grand Théâtre de Provence dans le cadre de « Tous à l'opéra » et une création collective inspirée par La Clemenza di Tito sera présentée le 17 juillet au Théâtre du Bois de l'Aune. Quelques initiatives parmi beaucoup d'autres qui sortent des sentiers battus.

Le Festival poursuit sa politique d'accueil de spectateurs de toutes origines. Il continue d'explorer de nouveaux canaux médiatiques et les dernières technologies numériques pour partager ses productions avec des auditoires proches et lointains.

Une logique commune sous-tend la programmation artistique, sa mise en oeuvre, les relations avec les artistes et les publics : nous concevons l'opéra comme un art vivant, et le Festival d'Aix comme un lieu de création et de partage. Puisse cette édition 2011 susciter un flux de rencontres et de débats, d'émotions et de passions.

Bernard Foccroulle
Directeur général